La dette du Canada ne cesse d’augmenter, récemment alimentée entre autres par les dépenses reliées à la pandémie. Il faut compter également des intérêts additionnels à payer sur la dette et qui ont plus que doublé depuis 2015/2016.
Les pensions pèsent lourd sur le budget du gouvernement fédéral.
De plus, on attend de dépenser dans les centaines de milliards de dollars pour les soins de santé et les pensions. Pour payer aux retraités qui sont de plus en plus nombreux. Démographiquement, il va y avoir plus de retraités que de nouvelles personnes qui s’intègreront au marché du travail. Résultat? Moins de travailleurs qui devront payer plus d’impôt chacun pour payer les dépenses actuelles ainsi que celles à venir. Ils auront à choisir plus d’impôt ou moins de services ou une combinaison des deux.
Comparer la dette d’un pays avec les autres pays est toujours difficile. Cela en raison des différences dans les programmes, de la façon de financer cette dette (exemple de financer à court terme versus long terme) et les ententes de financement entre pays. Lorsque Chrystia Freeland compare la dette du fédéral avec celle d’autres pays, elle présente toujours des données sur la dette nette du fédéral. C’est vraiment trompeur et on verra pourquoi.
Nous allons regarder la dette fédérale sur quatre plans différents. D’abord, on va voir la dette nette du fédéral en rapport avec le PIB suivi de sa dette brute en rapport du PIB. Ensuite, on présentera la notion de la dette interne versus la dette externe d’un pays et on finira par souligner l’impact du retour des taxes et des impôts, des dépenses gouvernementales et sur l’endettement.
La dette nette du Canada.
Lorsqu’une institution de dépôt prête des sous à un particulier, elle ne regarde pas seulement sa dette brute, mais tient compte de ses actifs. La dette nette, c’est la dette brute moins les actifs. Plus les actifs sont élevés, plus la dette nette est faible et mieux c’est pour l’emprunteur.
Chrystia Freeland présente toujours la dette nette du fédéral qui est la dette brute moins les actifs. Quels sont les actifs du fédéral ? La valeur de ses bâtiments, de ses terrains, de ses parcs, de ses ports de mer, de ses bateaux, etc., ainsi que l’argent dans les régimes de retraite du gouvernement fédéral, incluant celui du plan de pension du Québec. Oui, j’ai bien écrit qu’elle soustrait les actifs du plan de pension du Québec. C’est trop long à expliquer le pourquoi ici, mais soustraire de la dette brute du fédéral les actifs du régime de retraite d’une province comme celle du Québec, c’est trompeur. Les autres pays ne font pas cela.
Toujours comparer la dette avec le PIB des pays pour le calcul de soutenabilité.
Comme on peut le voir au graphique 1 suivant, à la fin 2023, la dette nette du Canada en rapport avec son PIB était de 13,9 %, la plus faible des G7. L’Allemagne est deuxième avec une dette nette de 45,1 %, les États-Unis avec 94,2 % et le Japon avec ses 160 %. Cependant, si on regarde la dette brute en rapport avec le PIB, sans soustraire les actifs, cela est différent.
Comparaison de la dette par rapport au PIB du Canada, France, Allemagne, Italie, Japon, Royaume-Uni, États-Unis.
On peut voir sur ce graphique qu’il y a quand même 4 pays du G7 qui ont dépensé proportionnellement plus que le Canada lors de la pandémie des années 2019 et 2020. À noter aussi qu’il y a une quinzaine de pays qui n’ont pas de dettes et une bonne douzaine d’autres qui a des dettes nettes inférieures à celles du Canada. Mentionnons à titre d’exemple la Suisse, la Suède, la Norvège, le Danemark, Taiwan, Singapour et la Corée du Sud.
Statistiques de la Dette Brute par PIB pour les Pays du G7 en 2022.
1. Allemagne : 63,6 %
2. Royaume-Uni : 97,6 %
3. Canada : 107 %
4. France : 110,6 %
5. États-Unis : 122,3 %
6. Italie : 137 %
7. Japon : 263,9 %
La situation de la dette brute est différente de celle de la dette nette. Cependant, sur 29 pays industrialisés et pas seulement en rapport avec le G7, le Canada est 25 e sur 29 en termes de la pire dette brute. Ne pas tenir compte de la valeur du régime de retraite du Québec fait toute une différence.
La dette brute donne un portrait plus exact. Un ratio supérieur à 100 % signifie qu’un pays ne produit pas suffisamment pour couvrir ses dettes. Le Japon est particulièrement en difficulté avec ses 263,9 %. Comment peut-il survivre avec une dette brute aussi importante? C’est parce que presque toute sa dette est interne.
La dette interne vs la dette externe des pays.
La dette extérieure d’un pays représente la partie de la dette totale qui est due aux créanciers se trouvant en dehors du pays. À titre d’exemple, le Japon, la Chine, le Royaume-Uni, le Luxembourg et le Canada financent environ 42,62 % de la dette américaine (selon le département de la trésorerie pour l’année 2024) en comparaison avec 5 % pour le Canada (selon le ministère de la Finance) et 6 % pour le Japon. Plus la dette extérieure est élevée, plus ce pays peut-être en difficulté de financement, car il doit convaincre ces pays de continuer à financer sa dette. Pourquoi ces pays, comme le Japon, achètent de la dette américaine?
Cela fait augmenter la valeur du dollar américain en rapport avec le yen et cela favorise ses exportations. En ce moment, la Chine boude la dette américaine. Les Américains doivent trouver des remplaçants, ce qui n’est pas facile, à moins d’augmenter les taux d’intérêt pour rendre leurs obligations plus attractives. Mais si les Américains augmentent leur taux d’intérêt, les autres pays vont suivre pour que leurs devises ne chutent pas trop.
Le Canada et le Japon n’ont pas besoin d’augmenter leurs taux d’intérêt pour rendre leurs obligations attractives. Ils n’ont qu’à augmenter les taxes des citoyens pour financer leurs dépenses. C’est ce que le Canada vient de faire avec la taxe sur le gain en capital entre autres. Les Américains ne peuvent pas taxer les Chinois ni les Japonais pour rembourser leur dette. Les Américains sont vulnérables et dépendants.
Un remboursement d’impôt et de TPS, etc.
Lorsqu’un gouvernement dépense, disons 1000 $ en fonds de pension à une personne, environ 80 % de ce 1000 (800 $) sera dépensé sur divers produits. Sur le 800 $ dépensé, il y aura des paiements de diverses taxes, comme la TPS ou la TVQ ou une taxe d’accise, et des revenus et des profits qui seront imposables à disons 30 % et plus. Donc, sur ce 1000 $ il devrait revenir environ 350 $ à 450 $ dans les coffres du gouvernement sur une période d’environ 1 an. Cela, on ne le compte pas dans son budget de l’année. Cela réduit le déficit annoncé par un gouvernement.
Conclusion : Mme Freeland sous-estime toujours le vrai déficit de son gouvernement. La dette brute démontre que notre dette n’est pas si belle que cela, mais ce qui nous aide à mieux vivre avec notre dette, c’est le fait qu’elle est interne à environ 95 %.
Sources : calculs du ministère des Finances Canada