Dans un brillant article du Journal Action PME, Louis Belleau écrivait sur l’importance de bien planifier les réunions. L’objectif était de faire prendre conscience des coûts liés à la « réunionite » (c.-à-d. des réunions non nécessaires, sous-optimales et répétitives). Par contre, les avantages des réunions d’équipe sont parfois intangibles.
L’article citait le cas d’une réunion qui coûtait 600 $ de l’heure. Si on extrapole ces chiffres, les pertes dues à l’inefficacité sont frappantes. Par exemple, un retard de 5 minutes représente 50 $. Un dérapage de 15 minutes, 150 $. Une réunion non productive, 600 $ aux poubelles ! Si ces situations sont fréquentes, ce sont des milliers de dollars qui s’envolent chaque année.
L’objectif du présent article est de prendre part à cette discussion en mettant l’accent sur les coûts-bénéfices relationnels des réunions.
Comment éviter les coûts inutiles et profiter des avantages des réunions d’équipes.
Évidemment, tout le monde conviendra de l’importance des réunions. Elles servent à établir des objectifs, coordonner les efforts, déterminer des solutions, etc.
Donc, comment faire pour optimiser le ratio coûts-bénéfices des réunions ?
On peut facilement envisager diverses stratégies :
- Éviter les réunions sur des sujets secondaires.
- Organiser les réunions avec un plan strict.
- Minimiser les dérapages sur des sujets personnels.
- Sanctionner les retards.
Bref, faire des réunions corporate et laser focus sur les activités centrales de l’organisation.
Une approche déshumanisante ?
Jusqu’à présent, nous avons parlé des pondérables : les coûts et les pertes liés à l’inefficacité opérationnelle des réunions. En termes comptables, ça fait tout son sens. Surtout si vous avez une usine automatisée par des robots.
Les avantages des réunions d’équipe sont aussi relationnels entre les employés.
Mais, à mon avis, si vous gérez encore des humains, l’équation est incomplète. Pour ajuster ce calcul, il faut minimalement incorporer les besoins relationnels des employés.
Et voilà pourquoi. L’être humain a naturellement tendance à vivre en groupe. Évidemment, l’appartenance à un groupe répond à des impératifs rationnels : on travaille ensemble pour assurer notre survie (manger, se loger, etc.).
L’humain a un besoin viscéral d’appartenir à un groupe.
Mais, le désir d’appartenir à un groupe repose sur des impératifs relationnels. Par exemple, imaginons que nous sommes captifs d’une île où il existe un seul groupe. Même si nous n’appréciions pas forcément ses membres, nous n’aurions pas d’autres choix que de collaborer avec eux pour assurer notre survie. Mais s’il existe d’autres groupes, il y a de fortes chances que nous utilisions notre liberté pour en trouver un qui satisfera à la fois à nos besoins rationnels ET relationnels.
Autrement dit, pour alimenter le désir de travailler avec un groupe, il faut plus que des objectifs communs. Il faut des relations interpersonnelles riches et positives.
Les recherches sont claires à ce sujet : moins les liens interpersonnels entre les collègues seront forts, moins ils se sentiront engagés envers le groupe, moins ils seront enclins à collaborer et plus les probabilités de conflits seront élevées.
On voit donc facilement la tension qui peut s’opérer lorsqu’un employé ne ressent pas le désir d’appartenir à une organisation alors que celle-ci exige sa collaboration pour obtenir des bénéfices rationnels (salaire, avantages sociaux, etc.).
Si l’individu est captif, cela s’appelle de l’aliénation. S’il est libre, ça s’appelle Bye bye, boss !
Ça coûte combien des réunions corporate et laser focus ?
Avant de revenir à notre tableau comptable, mettons en lumière un fait qui, je l’espère, ne surprendra personne : avec la pénurie de main-d’œuvre, les employés peuvent facilement changer d’emploi. D’ailleurs, on vit actuellement un phénomène appelé la « Grande Démission ».
Avec ce fait en tête, posons-nous quelques questions :
- Ça coûte combien un processus de recrutement ?
- Savez-vous ça coûte combien les formations et les erreurs des nouvelles recrues ?
- Ça coûte combien une diminution du moral des employés à la suite du départ d’un collègue apprécié ?
- Ça coûte combien un ex-employé qui propage son insatisfaction dans son réseau professionnel ?
Il y en a d’autres, évidemment, mais c’est un bon point de départ pour évaluer le coût d’un employé insatisfait qui décide de quitter son emploi. Maintenant, on pourrait s’attaquer aux coûts d’un manque de motivation, d’un leader négatif, d’un conflit de travail, etc.
Bref, avant de vous attarder outre mesure aux coûts d’un retard de 5 minutes ou à ceux d’une discussion informelle de 15 minutes, je vous propose de considérer les coûts liés à l’incapacité de combler les besoins relationnels des employés.
Le juste milieu dans tout ça ?
Évidemment, l’article de Louis Belleau ne plaidait pas en faveur de déshumaniser les réunions. Il prônait davantage l’organisation de réunions qui maximisent les coûts-bénéfices pour l’organisation.
Et c’est précisément mon point. Pour réaliser des rencontres efficaces, il faut assurément tenir compte des priorités de l’organisation. Mais, cela n’implique pas automatiquement d’écarter les besoins relationnels des employés.
Pour tenter de satisfaire ces besoins relationnels, on doit offrir la possibilité de développer des relations interpersonnelles riches entre les collègues; c’est d’autant plus vrai pour les télétravailleurs qui effectuent bien souvent leurs tâches de façon isolée. Cela peut se faire par l’explication d’une raison familiale qui justifie un retard, une discussion sur une passion, l’importance de certaines valeurs, etc.
Ces échanges personnels sont nécessaires au développement d’affinités, de liens affectifs et parfois même d’amitié. Ce type de relations est très positif pour développer un sentiment d’appartenance et de loyauté. Sans oublier que les discussions entre des collègues amis sur leur temps personnel finissent souvent par porter sur le travail. Tant qu’à compiler les 5 minutes par-ci par-là, il me semble qu’on devrait également ajouter ces heures non facturées au tableau comptable, non ?
Bref, si vous cherchez toujours à calculer le coût d’une discussion informelle, je vous conseille fortement d’inclure les bénéfices relationnels qui en découlent. C’est ça, un vrai calcul coûts-avantages.