On a beau répéter que le processus de relève d’entreprise nécessite de 5 à 10 ans, les propriétaires d’entreprise se laissent difficilement convaincre et repoussent ce projet pourtant essentiel. Tout cela, sous prétexte qu’ils ont tout le temps, qu’ils sont trop jeunes et qu’ils ne sont pas rendus là.
Pourquoi ?
Relève d’entreprise ou retraite du propriétaire de PME?
Les propriétaires de PME confondent « la relève d’entreprise » et « la retraite ». Ce sont néanmoins de très différents projets. Entreprendre un processus de relève consiste à trouver et à mettre en place l’équipe qui dans dix ans sera capable de donner un second souffle à l’entreprise. Prendre sa retraite, c’est quitter l’entreprise et ne plus travailler.
Dans un processus de relève d’entreprise, le fondateur ne quitte pas l’entreprise et continue d’y travailler. Mais son travail change, il se décharge graduellement des tâches quotidiennes. En fait, il cesse d’être un « homme-orchestre » pour devenir un « chef d’orchestre ».
Son nouveau rôle consiste à choisir ceux qui 10 ans plus tard prendront la direction et à les préparer à être des entrepreneurs à succès.
L’entrepreneuriat, ce n’est pas un métier comme plusieurs personnes croient
Le fondateur d’une entreprise n’exerce pas un métier, il est PROPRIÉTAIRE. Tout lui appartient, il ne veut pas s’en séparer et il a raison. Le propriétaire d’une entreprise n’a pas à s’en séparer pour mettre en place l’équipe de relève, il poursuit son œuvre en ajoutant des compétences qui seront très utiles lorsque sa santé périclitera.
Même s’il partagera un jour sa propriété avec la relève, il aura le temps de fixer les termes financiers et légaux capables d’assurer un transfert harmonieux sans perdre son identité d’entrepreneur. Il ne vend pas son entreprise, il en assure la continuité.
Un processus long et complexe de transition acheteur et vendeur
La relève d’entreprise n’est pas une transaction, c’est une transition au cours de laquelle le fondateur transfère son capital humain : les clients, les employés, les réseaux d’influence ; il transfèrera aussi son capital organisationnel : la culture d’entreprise, le savoir-faire, les systèmes qui ont apporté le succès et le capital social : sa réputation, sa notoriété.
Ces transferts nécessitent beaucoup de temps et demandent aux repreneurs comme aux fondateurs des efforts d’harmonisation.
Il y aura aussi un transfert de propriété qu’il faudra préparer plusieurs années à l’avance pour obtenir des avantages fiscaux et pour valoriser le capital matériel.
Les entrepreneurs qui se mettent eux-mêmes des freins et attendent d’être prêts risquent de se retrouver trop tard à la tête d’une entreprise en déclin au moment où la santé est moins bonne.
Deux exemples avec un de processus de relève d’entreprise familiale
Un premier exemple est celui de Jacob, qui se prépare à enclencher un processus de relève d’entreprise familiale. Il prépare un projet de développement technologique, il a bien analysé la situation.
Il a étudié à fond tous les aspects, la rentabilité, la productivité, finances, ressources humaines, etc. De plus, il a documenté le projet avec preuves à l’appui.
Toutefois, son père n’est pas convaincu sans pourtant être en mesure d’y trouver des failles et n’a pas non plus de solution de rechange.
Où est-ce que ça accroche ?
La personnalité des deux entrepreneurs : Jacob voit des possibilités, il a une forte capacité de rationaliser, de planifier et d’exposer son idée clairement, de plus il détient un bac en administration et a validé le projet, il est solide.
Son père voit le danger, mais ne peut expliquer pourquoi, il s’appuie sur son expérience. Il doute, il a consulté son épouse qui le soutient totalement, mais, il manque de confiance en lui et envers l’entreprise. Le plus important, il ne veut pas décourager son fils.
Quelles en sont les conséquences du manque de confiance du fondateur?
Sans égard à la décision qui sera prise, Jacob aura sûrement l’impression que son père ne lui fait pas confiance et qu’un refus met la croissance de l’entreprise en jeu.
Il trouvera probablement que l’influence de sa mère est nuisible, ce qui nuira à l’harmonie familiale, il sait que le système organisationnel est archaïque et se sent bloqué pour réaliser des transformations essentielles.
Son père aurait désiré que son fils propose des projets moins ambitieux. Il trouve qu’il va trop vite et a peur d’être poussé vers la sortie. De plus, il se sent incapable de discuter rationnellement et par conséquent recule vers un passé qu’il sait pourtant révolu.
Le mot du coach pour les fondateurs et les repreneurs
Dans un processus de relève d’entreprise, les fondateurs comme les repreneurs devront faire face à des centaines d’enjeux, chaque enjeu en cache des dizaines d’autres :
- La personnalité des entrepreneurs,
- Leurs valeurs,
- Leurs aspirations,
- Le système organisationnel de l’entreprise, l
- La clientèle,
- Les ressources humaines,
- L’environnement commercial et technologique,
- Les relations familiales et encore beaucoup d’autres.
Pour faire face à ces enjeux, il est essentiel de ne pas les nier, de les aborder différemment, les aspects familiaux, financiers, psychologiques ne doivent pas être mêlés. Il est aussi pertinent de tenir compte des émotions comme des démarches rationnelles. Une entreprise, c’est surtout des personnes qu’il faut respecter, valoriser, écouter.
Bien sûr, il est important de prendre une décision, mais la bonne décision découle d’une communication et d’une convergence des possibilités, des menaces et des personnalités, voilà ce qui est important dans un processus de relève d’entreprise.
Faire place aux changements dans un processus de transfert de pouvoir
Un autre exemple est celui de Nadine, après son bac en commerce et deux ans d’expérience dans une autre entreprise, est retournée dans l’entreprise familiale.
Sans poste précis, elle assiste son père, apprenant le fonctionnement de l’entreprise. Les relations sont bonnes, elle se sent appréciée… Mais… Elle espère un transfert de pouvoir dans le processus de relève d’entreprise qui appartient à son père.
« J’ai l’impression de ne pas avancer, je ne vois pas comment je prendrai un jour la direction, mon père prend toutes les décisions. Ça fait 18 mois, j’ai fait le tour du jardin, je vois beaucoup de choses à améliorer. J’en parle à mon père, qui me dit que c’est une bonne idée, mais rien ne change. Dans 5 ans, ce sera toujours pareil et je ne sais plus que faire. »
La frustration de Nadine découle de l’absence d’un plan de relève. En effet, le processus de relève d’entreprise comprend quatre transferts.
- Le transfert de direction,
- Un transfert de savoir,
- Un transfert de pouvoir
- Pour finir, un transfert de propriété.
Ces quatre transferts doivent être planifiés, on doit savoir que faire, quand et comment.
Le père de Nadine doit la nommer directrice générale avec un mandat et le pouvoir nécessaire pour qu’elle fasse ses preuves. Comme il ne peut y avoir deux directeurs généraux, il doit aussi définir son rôle à lui, probablement « président ».
Il faudra donc définir deux postes différents avec des pouvoirs différents et des tâches différentes ; il faudra aussi mettre en place des espaces de « règne conjoint » dans lesquels ils définiront ensemble une vision commune et une stratégie.
Le processus de relève d’entreprise est une démarche de changement.
Si on ne sait pas quels changements faire ni comment les faire, Nadine ne pourra pas trouver sa place de future dirigeante et le processus stagnera.
De plus, Nadine devra acquérir de nouvelles habiletés, de nouvelles connaissances, mais lesquelles ? Sans plan, on n’y arrivera jamais.
Comme écrit dans la première phrase de ce texte, le processus de relève d’entreprise dure de 5 à 10 ans. Il est ainsi essentiel de le planifier et d’amorcer les changements de façon le plus harmonieuse possible.
Il y aura nécessairement des hauts et des bas, la santé du fondateur peut faiblir. Le repreneur, comme Nadine, pourrait être suffisamment frustré pour changer d’idée.