Entrevue réalisée avec Eddy Savoie, président-directeur général du Groupe Savoie, la plus importante entreprise familiale et société privée dans le domaine de la construction et de la gestion de résidences pour retraités au Québec (Les Résidences Soleil).
Groupe Savoie est membre du Club Platine du concours Les sociétés les mieux gérées au Canada qui rend hommage aux entreprises ayant remporté le titre des mieux gérées pendant au moins six années consécutives.
Qu’est-ce qu’un employeur de choix?
Un employeur de choix, c’est d’abord une personne qui a une éthique. L’éthique est très importante en affaires, parce que dès que les gens se rendent compte que tu es honnête, ils vont essayer de travailler avec toi le plus possible. Je crois que l’entrepreneur éthique est capable de s’élever au-delà du respect de ses obligations strictement légales ou réglementaires. Il se laisse guider par sa conviction profonde qu’en faisant le bien, il engendrera le bien, et les individus qui l’entourent s’inspireront forcément de son exemple.
Un employeur de choix, c’est aussi une personne qui a confiance en elle-même, car, sans cette confiance, il est difficile de faire confiance aux autres. Quand on grandit, on ne doit jamais oublier d’où l’on vient. Ma réussite est basée sur la confiance que les gens ont eue en moi. La confiance amène la confiance, sinon on ne peut grandir et devenir une grande entreprise.
Finalement, un employeur de choix, c’est également quelqu’un de responsable, parce que si un employeur essaie d’exploiter ses employés, ces derniers ne pourront jamais être heureux.
Comment devient-on un employeur de choix?
Je pense qu’au départ il faut avoir des rêves, mais il faut être persévérant et être prêt à faire les sacrifices nécessaires pour les réaliser. La seule façon d’y arriver, c’est d’avoir la volonté d’y mettre les efforts. Cela peut prendre des années avant d’établir une crédibilité, mais si vous avez en tête de réussir et que vous êtes honnête, vos chances sont extrêmement grandes. Si on ne sème pas, on ne peut pas récolter, mais lorsqu’on sème on ne doit pas arracher la racine non plus, sinon on ne réussira jamais. Il faut laisser le temps aux choses d’arriver.
Comment recrutez-vous?
Notre principal critère d’embauche est l’intérêt que le candidat porte aux personnes âgées. Ensuite, nous misons sur les capacités que possède la personne parce que, même si elle a beaucoup de bonne volonté, nous devons surtout avoir une confiance absolue en ses aptitudes.
Comment mobiliser davantage au quotidien?
Quand un employé excelle, on peut lui confier de nouvelles responsabilités tout en évitant d’exiger qu’il fasse des choses pour lesquelles il n’est pas qualifié. Forcer quelqu’un à devenir ce qu’il ne sera jamais n’engendre que des frustrations. Il faut surtout mettre le temps pour bien communiquer à la personne les résultats souhaités. Par exemple, on peut dire : « On est présentement ici et, d’après mes calculs, je pense qu’on peut se rendre jusque-là. » La pire erreur qu’un leader puisse faire, c’est de penser que si on ne demande rien à un employé, il va peut-être en faire plus.
Dans le cas où l’objectif n’est pas atteint, c’est peut-être simplement qu’il y a quelque chose qui n’est pas clair pour la personne. Il suffit alors de répéter calmement, d’essayer de lui montrer et de l’orienter, car s’énerver est la pire des choses qu’un gestionnaire puisse faire. Si l’employé n’est réellement pas capable, il faut en discuter avec lui et le réintégrer dans ses anciennes fonctions en lui disant : « Écoute, ça a toujours bien fonctionné depuis que tu travailles avec moi.
Nous avons essayé de te confier de nouvelles responsabilités, mais tu vois comme moi que ça ne fonctionne pas. Il est préférable que tu retournes à ce que tu faisais bien avant. » Si l’employé échoue, ce n’est pas parce qu’il n’est pas bon, c’est parce qu’il ne possède pas les capacités requises, mais il demeure tout de même un bon employé. La solution n’est pas de le congédier, car c’est très coûteux de recruter et de former du nouveau personnel.
Une autre façon de mobiliser nos gens consiste à les faire grandir avec l’entreprise. Par exemple, notre responsable de la nourriture et des achats reçoit une augmentation de salaire de 5 000 $ lors de chaque ouverture de résidence, en plus de son augmentation annuelle de base. De cette façon, je m’attache une personne compétente, et cette dernière est très heureuse de contribuer à notre croissance. Nous procédons de la même manière avec plusieurs directeurs qui reçoivent une augmentation de salaire de 2 000 $ lorsque le taux de location de leur établissement atteint un certain seuil.
Qu’est-ce qui fait de Groupe Savoie un employeur de choix?
Ma grande force, c’est l’écoute. Chaque fois que je rencontre des gens, je commence par les écouter et j’exige la même chose de nos gestionnaires. Je leur dis : « N’essayez pas de prendre la parole, laissez la personne parler. Lorsqu’elle va avoir fini de tout vous dire, vous aurez toute l’information requise pour régler son problème. » En affaires, si tu n’écoutes pas les gens, ceux-ci vont rarement te donner des chances. Mais si tu les écoutes et que tu leur donnes de l’importance, ils vont tout faire pour t’aider.
Ce qui nous distingue des autres employeurs, c’est que je sais d’où je viens et je sais où je vais. Notre volonté de construire et de gérer nos résidences de A à Z en est une belle illustration : on fait tout, à partir des plans, avec nos propres ingénieurs, architectes, plombiers et électriciens.
Pour moi, réussir en affaires, ce n’est pas simplement faire de bonnes affaires. C’est surtout construire quelque chose qui contribue au bonheur des gens et, lorsqu’il est possible d’y intégrer en plus sa famille, c’est tout un privilège. Aujourd’hui, je suis très fier de voir évoluer mes enfants et mes petits-enfants dans l’entreprise. Il faut qu’il y ait un cœur à l’intérieur d’une organisation, surtout quand on œuvre avec des humains, car l’humain s’attache à l’humain.