On s’en crisse du français ! – Ah oui, vraiment ?
Par Julie Marie Dorval
J’ai, hélas, à faire encore de l’éducation sur l’importance de la qualité du français en entreprise et même entre individus. Il m’arrive régulièrement d’entendre : « Julie Marie, on s’en crisse du français ! » Je vous propose donc de faire une courte incursion dans les dérives, parfois sérieuses, d’une piètre qualité de la langue.
Comme chacun le sait, le monde des affaires et notre quotidien ne se conçoivent plus sans la lecture et l’écriture. Non seulement nous envoyons des courriels et des textos à profusion, mais nous baignons en permanence dans une mer de contenus. Les supports sur lesquels nous lisons et partageons des mots sont de plus en plus variés et nombreux, et ce, autant dans la sphère personnelle que professionnelle.
L’heure est grave
Pourtant, au Québec, plus de 1 000 000 d’adultes sont analphabètes. En France, selon une étude, les salariés ne maîtrisent qu’une règle d’orthographe sur deux. Partout, les entreprises perdent au change.
La première étude sérieuse sur l’impact de l’utilisation fautive de la langue dans un contexte marketing au Québec a été réalisée en 2009, par Léger Marketing. Il était temps, car d’importants revenus de ventes ont été perdus au fil des années. En France, on les compte probablement en millions d’euros annuellement. Ici, aucune analyse mesurable ne semble avoir été effectuée jusqu’à maintenant.
Désormais, peu de propriétaires d’entreprise ou de dirigeants peuvent prétexter ne pas connaître la nécessité de diffuser des contenus clairs et exempts de fautes. Malgré cela, la question est souvent prise à la légère.
« Mais pourquoi en faire tout un plat ? Ne sommes-nous pas en train de dramatiser ? », demandent certains. Eh bien, non. Les répercussions de la transmission ou de la publication de textes mal structurés et contaminés par les erreurs sont bien réelles. La mauvaise qualité de la langue dans la documentation :
- Influence négativement le consommateur dans son processus d’achat;
- Engendre une perception défavorable de l’entreprise;
- Occasionne une baisse de confiance envers le produit, le service et même l’entreprise;
- Alimente les commentaires désastreux venus du bouche à oreille, publiés sur les réseaux sociaux, etc.;
- Crée d’ennuyeuses ambiguïtés;
- Provoque une diminution des ventes;
- Détruit les efforts marketing.
La première impression est toujours la bonne. Surtout si elle est mauvaise. (Henri Jeanson)
Aujourd’hui, la première impression est reine. Or, cette première impression est laissée à la suite de la consultation d’un site Web, d’un dépliant, d’un article de blogue, d’un courriel, etc. Si elle est désagréable, fâcheuse ou mitigée, les clients imaginent sans attendre un manque de professionnalisme et se désolent franchement de la faible considération de l’entreprise à leur endroit.
Pour le client, une seule faute d’orthographe dans la documentation d’une entreprise est comme un immense furoncle sur un visage lisse, une bavure flagrante sur une chemise blanche.
Tout bascule pour une virgule
On se rappelle, encore aujourd’hui, le grave problème de traduction de Walmart, en 2013 :
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On peut aussi penser à toute la différence qu’une seule virgule peut insinuer :
- « C’est l’heure de manger les enfants » au lieu de « C’est l’heure de manger, les enfants ».
- « Passe-moi la crème 35 % épaisse » au lieu de « Passe-moi la crème 35 %, épaisse ».
- « Détendez-vous dans cette salle chauffée avec un bon café » au lieu de « Détendez-vous dans cette salle chauffée, avec un bon café ».
Nombre d’entreprises perdent des clients actuels et potentiels en raison de contenus qui comportent des fautes ou qui sont trop obscurs. Et combien de personnes font naître des disputes sur la base d’une incompréhension liée à la communication et à la justesse du vocabulaire ? Maintenant, qu’on ne me dise plus qu’on s’en crisse du français.
2 commentaires
Excellent article, on voit que c’est écrit par une vrai professionnelle 🙂
Merci beaucoup, Réjean, êtes-vous abonné au journal ?