La réforme de la fiscalité des PME : après l’orage, maintenant le brouillard
© Robert Robillard, Ph.D., CPA, CGA, Adm.A., MBA, M. Sc. Économie, M.A.P.
Associé principal, RBRT Fiscalité/Tax (http://rbrt.ca)
514 742-8086
Introduction
Le gouvernement fédéral a effectué une volte-face politique plutôt extraordinaire à la suite de sa proposition de réforme de la fiscalité des PME annoncée le 18 juillet 2017. À l’origine, le document de consultation du gouvernement proposait des modifications significatives afin d’empêcher trois « stratégies » de planification fiscale par les PME pour :
- répartir le revenu de l’entreprise entre plusieurs personnes;
- reporter l’impôt à payer de la société par actions à l’aide de placements passifs;
- convertir certains revenus en gain en capital.
En réponse au spectaculaire tollé de protestations soutenues de la part des entrepreneurs, le gouvernement a « reculé » sur certaines propositions, en plus d’offrir un faux cadeau fiscal aux entrepreneurs.
Baisse de l’impôt des sociétés
Le 16 octobre 2017 était annoncée une « baisse » du taux d’imposition fédéral des petites entreprises à 10 % en 2018 et 9 % en 2019. Il s’agit toutefois d’un leurre fiscal, puisque le pourcentage de majoration des dividendes ordinaires au fédéral, actuellement à 17 %, diminuera à 16 % en 2018 et à 15 % en 2019. Le Québec devrait suivre la parade sous peu. Les crédits d’impôt pour dividendes seront également ajustés en conséquence.
Bien que le fardeau fédéral fiscal combiné demeure ainsi approximativement le même, cette baisse du taux d’imposition corporatif pourrait suggérer que le report d’impôt dans une société par actions est ainsi renforcé, soit exactement le contraire de ce que prétendait vouloir accomplir le gouvernement.
Par conséquent, cadeau fiscal? Non, car il y a davantage à tenir compte dans cette équation.
Surimposition du revenu passif détenu en société par actions
En effet, le gouvernement a annoncé, deux jours plus tard, que « les premiers 50 000 $ de revenus dits de placements passifs » générés dans une société par actions au cours d’une année fiscale ne seraient pas surimposés. La surimposition porterait de plus uniquement sur les placements futurs. Sur cette question, le brouillard s’épaissit donc brutalement.
Le hic, c’est qu’en la matière, les nouvelles règles d’application ne seront connues que lors du dépôt du budget fédéral au printemps 2018. L’entrepreneur en est ainsi réduit à la spéculation, sans mauvais jeu de mots, sur le sujet. Mais on peut dès maintenant imaginer le cauchemar qu’engendrera la comptabilisation distincte de placements dits passifs pré et post nouvelles règles fiscales. La calvitie dont sont victimes de nombreux comptables n’est pas sans raison…
De plus, aucune précision n’a été offerte sur le traitement prévu pour les gains en capital et, par extension, au sort qui sera réservé au compte de dividende en capital. On se rappellera que les propositions de juillet 2017 entendaient surimposer les gains en capital réalisés dans la société par actions.
Multiplication de la déduction pour gain en capital
Pour ce qui est de la multiplication de la déduction pour gain en capital par le biais d’une fiducie familiale, le gouvernement n’a pas officiellement renoncé à son projet. Les déclarations contradictoires du gouvernement fédéral sur le sujet laissent à penser que l’objectif demeure le même, soit de combattre le fractionnement du revenu tiré d’une entreprise avec les membres de la famille.
Sur ce point, il faudra également attendre le budget fédéral 2018 pour voir s’estomper les ambiguïtés actuelles.
En dépit de ces incertitudes, il existe néanmoins diverses options disponibles aux entrepreneurs pour combattre efficacement les caprices fiscaux du gouvernement. Les prochains articles de cette série présenteront quelques-unes de ces options.
© Robert Robillard, RBRT Inc.