Par Robert Robillard
Introduction
Un important séisme fiscal a secoué le Canada le 18 juillet 2017 lors de la publication par le ministère des Finances du Canada du document de consultation intitulé Planification fiscale au moyen de sociétés privées.
En effet, le document de consultation du gouvernement propose des modifications significatives aux règles fiscales incluses à la Loi de l’impôt sur le revenu afin d’empêcher trois « stratégies » de planifications fiscales par les PME pour :
- répartir le revenu de l’entreprise entre plusieurs personnes;
- reporter l’impôt à payer de la société par actions à l’aide de placements passifs; et
- convertir certains revenus en gain en capital.
Le caractère raisonnable du fractionnement du revenu
Une première série de règles fiscales mises de l’avant par le gouvernement fédéral portent sur la question de la répartition alléguée du revenu, mieux connue sous le pseudonyme du « fractionnement du revenu ». En réponse à ce « problème », le gouvernement fédéral propose un élargissement du champ d’application de l’impôt sur le revenu fractionné, aussi connu comme la « kiddie tax », notamment par l’introduction d’un « critère du caractère raisonnable » de la rémunération.
Le document de consultation propose ainsi une application élargie de la kiddie tax à diverses situations et personnes d’âge adulte, où il y aurait présence d’un fractionnement du revenu. Les critères proposés par le gouvernement sont extrêmement subjectifs. En contexte de vérification fiscale, de nombreux litiges et différends seront vraisemblablement à venir. La petite entreprise devra dès lors se battre contre la machine gouvernementale sur tout et sur rien.
Le fractionnement du revenu et la fiducie
En aparté à ce nouveau critère du caractère raisonnable de la rémunération, une extermination plus ou moins complète de la fiducie familiale semble peut-être pointer à l’horizon. En effet, la fiducie familiale est habituellement utilisée pour permettre le fractionnement du revenu, en plus de permettre la multiplication de l’exonération cumulative des gains en capital, connue comme la « déduction pour gains en capital » (DGC).
Mais voilà, les nouvelles règles fiscales proposées entendent contrecarrer l’utilisation de la déduction pour gains en capital par les bénéficiaires d’une fiducie familiale, notamment lorsque les gains sont accumulés pendant que le bien était détenu par une fiducie !
Dans leur état actuel, les règles fiscales proposées déclencheraient une « disposition présumée » de biens au 31 décembre 2017 en de nombreuses situations, si bien qu’aucun gain en capital subséquent ne pourrait donner droit à la DGC. Les règles fiscales transitoires proposées permettraient d’effectuer un choix relatif à cette disposition présumée au cours de l’année 2018. Seules les fiducies au profit de l’époux ou du conjoint de fait ou les fiducies en faveur de soi-même pourraient échapper à ces nouvelles règles. Certaines fiducies d’actionnariat à l’égard d’employés, sans lien de dépendance avec l’employeur, pourraient également échapper à ces nouvelles règles fiscales.
La mise en place des nouvelles règles fiscales du gouvernement fédéral exigeront vraisemblablement l’évaluation de la juste valeur marchande au 31 décembre 2017 ou en cours de 2018 de l’entreprise pour préserver les droits accumulés à la DGC sur les gains en capitaux latents au 31 décembre 2017 ou au cours de l’année 2018.
Les prochains articles de cette série se pencheront sur les autres règles fiscales visant la surimposition des placements dits passifs détenus par le biais d’une société par actions et les cas de conversion de certains revenus en gain en capital. Par la suite, plusieurs options pour diminuer les impacts négatifs de ces règles seront analysées.
© Robert Robillard, Ph.D., CPA, CGA, Adm.A., MBA, M. Sc. Économie, M.A.P.
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